COMMENT VAINCRE LE BURNOUT AVEC LA PSYCHOTHERAPIE CORPORELLE REICHIENNE
Dans le monde du travail un phénomème problématique se développe à grande échelle , il s'agit du phénomène du burnout . Décrit à l'origine chez les professions sociales et médicales dont l'activité même correspond à l'aide apportée à autrui , il est intéressant d'élargir ce concept car il présente un outil méthodologique et explicatif qui m'a grandement aidé dans ma pratique quotidienne pour mieux comprendre les difficultés psychologiques rencontrées chez mes patients .
Dans le burnout , la personne n'arrive plus à vivre la vie qu'elle doit mener , elle peut être dans les cas les graves littéralement submergée par ses préoccupations professionnelles , elle n'existe plus en dehors de son travail qui devient envahissant jusqu'à l'anéantir . L'activité professionnelle devient alors non plus un secteur de la vie , mais la vie tout entière , sans que la personne le veuille .Son travail l'obsède , elle y pense en dehors , avant d'y aller et après les heures normalement consacrées à son activité . En ce sens l'individu fait de très nombreuses heures supplémentaires en plus de celles exigées par son rôle professionnel , il devient un travailleur de l'infini avec une anxiété et une culpabilité équivalentes.
BURNOUT : REPERES THEORIQUES
C'est au psychiatre et psychanalyste américain Freudenberger que revient le mérite d'avoir décrit et conceptualisé ce phénomène d'épuisement professionnel en 1974.
A l'origine ce phénomène fut répéré chez les soignants confrontés à de fortes exigences professionnelles dans leur travail, ces demandes caractérisent ce qui apparait être comme le noyau de la relation médicale , psychologique , une forte implication personnelle , une motivation à aider l'autre . Il s'agit de l'idéal du soignant qui apparait comme un soignant idéal . Cette idéalisation présente chez tout jeune travailleur investi dans la relation d'aide , devient rapidement un obstacle majeur, car elle va de pair avec le mythe du soignant parfait , entretenu à la fois par le sujet lui même et l'institution dans laquelle il travaille qui demande enthousiasme , dévouement et don de soi. Différents stades ont été proposés pour mieux cerner ce phénomène , ils montrent comment au fil du temps les exigences professionnelles vont amener la personne à contacter des états de frustration , de fatigue et de dévalorisation de plus en plus imporatant
LES STADES DU BURNOUT
1) Le stade de l'enthousiasme
Il caractérise le jeune salarié ou le travailleur abordant un nouvel emploi, il est marqué par un enthousiasme important qui va entrainer la personne à se rendre trop disponible tout en ayant des attentes irréalistes par rappport à son travail . La personne est toujours prête à en faire plus : plus d'heures de travail , plus d'efforts . Le but conscient ou non est de prouver et de se prouver que le travail convient , que la personne est bien l'employé(e) qu'il fallait choisir . La personne s'oublie , ne reconnait plus ses besoins , le travail est investi de toutes les vertus , c'est la lune de miel . Mais cette période idéale ne dure qu'un temps , la réalité revient en force interroger l'optimisme des premiers temps .
2) Le stade de la stagnation
A partir de ce stade vont émerger les aspects négatifs au niveau émotionnel . La personne commence à réaliser que l'investissement majeur attribué au travail ne se révèle pas totalement gratifiant . Le sujet commence à ressentir du mécontentement et voit que le travail n'est pas tout dans la vie , il se rend compte que d'autres secteurs de sa vie ( sentimentale , relationnelle , loisirs) font défaut ou ne sont pas suffisamment pris en compte . Il s'agit toujours d'une étape douloureuse puisque l'illusion du métier idéal ou salvateur s'effrite . Cette phase se révèle cependant indispensable pour permettre un changement et arrêter l'escalade vers les autres étapes , elle représente la première possiblité d'interrompre le cycle négatif.
3) Le stade de la frustration
Il est caractérisé par le retrait devant les situations problématiques qui prennent de plus en plus d'importance aux yeux de la personne . C'est typiquement le stade du débordement , caractérisé par une profonde remise en cause des compétences , une irritabilité marquée entrainant de l'intolérance par rapport aux collègues ou relations professionnelles. La personne supporte de moins en moins les demandes auxquelles elle doit répondre , elle est de plus en plus irritée par les exigences de son rôle professionnel comme écouter l'autre , lui accorder du temps .
4) Le stade de l'apathie
A ce stade la personne risque d'être dépressive , elle est devenue apparemment indifférente à son milieu professionnel , elle "s'en fout" . Elle se trouve tellement démunie devant les innombrables frustrations quotidiennes qu'elle apparait comme dépersonnalisée .
Maslach a montré nettement les caractéristiques du burnout en le caractérisant par un modèle tridimensionnel où vont apparaître une première étape représentée par de l'épuisement émotionnel qui équivaut à du stress . La personne n'a plus d'énergie , elle se sent vidée et ne dispose plus de réserve pour s'occuper de l'autre . En fait elle vit un profond sentiment de fatigue psychologique et physique marquée par la hantise de devoir aller au travail . Chaque nouvelle journée de travail est vécue comme un calvaire insupportable qu'il faut pourtant supporter à moins de pouvoir tomber malade pour échapper à cet enfer quotidien
Une deuxième étape a été repérée , la personne devient négative par rapport à ses collègues , clients ou patients . Ils vont être vécus comme des objets problématiques venant déranger et il est fréquent d'entendre ce genre de remarques " l'enseignement c'est bien mais sans les élèves, si je pouvais vendre sans avoir à faire avec mes clients , mes patients m' énervent ".
La troisième étape renvoie à une vision très négative de sa vie professionnelle et personnelle qui apparait comme un échec total . La personne pense avoir tout raté tant dans sa vie privée que dans son travail, le négatif déborde et envahit toutes les autre sphères. La tonalité dépressive marque de son empreinte cette étape qui est toujours vécue par le sujet comme la perte de possibilité de réaliser ses aspirations et sa vie . L'idéal du début de carrière n'étant pas atteint , les illusions tombent , laissant la personne devant le gouffre vertigineux de la réalité et d"elle-même. Certains arrivent encore à se proposer de nouveaux objectifs irréalistes ( gagner plus d'argent , rechercher un nouveau travail ) pouvant combler le vide et la futilité de cette course sans fin qui risque cependant de s'achever par un arrêt brutal ( maladie , dépression suicide, accident ).
PERSPECTIVES THERAPEUTIQUES DU BURNOUT EN PSYCHOTHERAPIE CORPORELLE
La Thérapie Reichienne va intervenir à plusieurs niveaux en fonction du patient et du contexte professionnel ; mais le mot d'ordre thérapeutique sera de permettre au sujet de se remettre en priorité avant tout . La personne s'est en effet oubliée au fil du temps, elle n'a plus le contrôle de sa vie et se trouve donc submergée.
La problématique du burnout est en effet dépendante de la perte par le sujet du respect de ses besoins , de ses émotions et valeurs pour un objectif illusoire lié au travail et à son contexte . Cette problématique doit toujours être resituée dans l'histoire du sujet et par rapport à sa structure caractérielle ( traits de caractère) qui induit les réponses émotionnelles et comportementales devant la situation . Tout le monde n'accepte pas d'être humilié , infériorisé , débordé par une hierarchie qui abusera d'autant plus qu'elle perçoit les fragilités émotionnelles du sujet . La résignation n'est jamais la bonne réponse, la soumission non plus.
La stratégie thérapeutique va s'articuler autour de plusieurs axes
1) EVALUER LA SITUATION , SAVOIR DECIDER, SAVOIR ARRETER
Le sujet en burnout a perdu son pouvoir d'évaluation de son environnement professionnel , il n'a plus le recul nécessaire pour faire la part des choses , il est de plus en plus submergé par des états négatifs ( doute , pessimisme ), il se remet en cause se croyant pas assez efficace , incompétent .
il s'agit de permettre une évaluation réelle des enjeux présents en l'aidant à comprendre comment il entretient la situation négative par ses croyances dévalorisantes , sa peur du conflit , sa tendance masochiste à accepter et subir la situation en croyant que plus il se comporte ' bien' plus il sera accepté et reconnu . Le travail thérapeutique sur le caractère va transformer la passivité en aggressivité positive . Cette force mentale alliant le courage d'affronter la situation et le pouvoir de se mettre en PRIORITE permet de quitter la position de victime pour s'affirmer .
A partir de cet état d'auto - contrôle la personne peut décider que faire ; rester , partir au BON MOMENT pour elle , mais en tout cas NE PLUS SUBIR . Elle comprend que l'autre n 'a que le pouvoir qu'elle lui accorde
2 ) RETROUVER ET RESPECTER SES RYTHMES INTERNES
L'incapacité à observer et respecter les rythmes biologiques internes constitue une cause de fatigue et d'épuisement mental fréquente dans la problématique du stress au travail et du burnout. En 1957 on découvrit qu'un cycle de 90 à 120 minutes se développait durant les 24 heures de notre journée et rythmait notre besoin de repos et de pause qui devrait intervenir toutes les 90 minutes . Il s'agit du cycle fondamental d'activité -repos qui se déroule jour et nuit : 90 minutes d'activité et 15 minutes de repos ( période du sommeil paradoxal la nuit ) .
Le niveau maximum d'activité est atteint au bout de 45 minutes puis décroit , pour se terminer par une période de 15 à 20 minutes qui prépare un nouveau cycle . La phase de repos est essentielle à la reprise de la phase d'activation suivante.
Depuis de nombreuses années des recherches montrent que les trois systèmes fondamentaux d'autorégulation du corps et de l'esprit, c'est à dire le système nerveux autonome , le système endocrinien et le système immunitaire répondent à ces cycles fondamentaux d'activité - repos . La phase de repos qui représente la partie de regénération du cycle d'activation est essentielle au principe d'autorégulation psychophysiologique de l'organisme. C'est en effet pendant cette phase de récupération que notre physiologie s'autorégule par le ballet des échanges neuro- hormonaux et que notre esprit s'intériorise pour réorganiser et intégrer les expériences vécues .
C'est au niveau des aptitudes mentales et physiologiques liées à l'efficacité , à l'apprentissage , à la mémorisation , à la créativité , à la résolution des problèmes et à l'estime de soi que le cycle de repos intervient de manière primordiale . Comme le signale Ernest Rossi " le syndrome du stress ultradien représente un ensemble de symptômes psychophysiologiques capables de bouleverser notre vie si nous ignorons habituellement les signes qui nous préviennent que notre corps et notre cerveau doivent se regénérer" . Il est essentiel de savoir que ces différents symptômes proviennent en fait du non respect de notre besoin de repos .Reconnaitre les messages que nous nous envoyons durant nos périodes d'activité et de travail s'avère essentiel pour ne pas outrepasser nos ressources et déclencher les différentes phases du stress ultradien.
STOP AU BURNOUT : REPERER LE STRESS ULTRADIEN
1) phase d'alerte
Dans cette phase des signaux apparaissent et indiquent la nécessité d'interrompre l'activité en cours et de se reposer. Parmi ces signes , notons sur le plan corporel et physiologique : le besoin de bailler , de soupirer, l'envie de s'étirer, l'envie d'uriner, la sensation de fatigue . Sur les plans psychologique et mental , le sujet se sent subitement moins concentré , rêvasse , présente des troubles de mémoire et devient inattentif . Ces signaux s'ils ne sont pas entendus vont aboutir à une autre phase du stress ultradien .
2) phase d'hyperactivation
La personne en plein travail s'écoute rarement . Elle se dit " ne perds pas ton temps , tu ne peux pas t'arrêter maintenant , il faut terminer ce travail " . Elle se secoue mentalement , l'action de l'adrénaline et de la bêtaendorphine font le reste . Elle se ressent enthousiaste , stimulée et fonctionne en état d'excitation ( sympathicotonie) qui peut aller jusqu'à un comportement agité ,hyperactif ,impatient , avec le besoin de consommer des excitants ( café , alcool, cigarette) pour rester en forme .
3) phase de déreglement
C'est une phase essentielle à connaître pour pouvoir l'éviter absolument . Dans cette phase le sujet multiplie les erreurs de jugement , de prise de décision , les fautes d'orthographe . Les difficultés à mémoriser s' amplifient allant jusqu'à l'oubli de ce qu'on est en train de lire .
Sur le plan psychologique , le sujet se déprécie , l'estime de soi est fortement remise en cause , les problèmes paraissent insurmontables .
4) phase psychosomatique
Une persistance de la phase de dérèglement va entrainer différentes pathologies relevant du stress chronique ( malaises, ulcères, maux de tête , problèmes respiratoires) . A ce stade très problématique , il est essentiel de se souvenir que la suppression de la pause de repos ( régénération ultradienne ) est une cause essentielle du stress chronique
Il s'agira par certaines techniques respiratoires ( durée 15 - 20 minutes) de permettre au sujet de retrouver le contact avec son cycle de détente et de favoriser le passage vers un état parasympathique où pourront se produire des baillements et différents signes de détente psychophysiologiques .Ces techniques et c'est essentiel sont à pratiquer chaque jour pour lutter contre les effets du stress ultradien et réguler l'organisme
3) PERMETTRE L'EXPRESSION DES EMOTIONS et REDONNER DE L'ENERGIE A LA PERSONNE
L'expression des émotions réprimées ( peine , colére , desespoir , ) est fondamentale dans la démarche thérapeutique reichienne , le sujet doit pouvoir exprimer en thérapie sa souffrance qui le maintient prisonnier Le sentiment d'impuissance toujours présent doit se transformer en puissance de pouvoir contrôler sa vie. Cette sensation profondre apparaitra au fur et à mesure de la thérapie , elle est liée au développement du mouvement de l'énergie dans le corps , à une respiration de plus en plus libre .
Le sujet peut passer progressivement du stade de la menace où il craignait pour son intégrité psychologique à celui du défi où il se sent libre et désireux d'agir pour que son travail devienne une source de gratification .
Devenant capable de s'affirmer , de s'opposer , de se respecter il comprend que l'unique priorité est sa vie, il peut intégrer le travail dans la globalité de son existence en respectant ses valeurs et son identité en résonnance avec la célèbre citation de Reich " l'amour , le travail et la connaissance sont les sources de notre vie . Ils devraient aussi la gouverner"